Lutte contre la crise climatique dans les pays du Sud : les organisations d’aide aux jeunes filles en première ligne

Découvrez comment les organisations communautaires, en particulier les organisations d’aide aux jeunes filles et de promotion de l'éducation des filles, mènent le combat contre la crise climatique dans les pays du Sud.

24 mars 2022 par Anika Jane, Amplify Girls
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Lecture : 5 minutes
Une femme en mouvement. Mali. Crédit : Banque mondiale / Curt Carnemark
Une femme en mouvement. Mali.
Credit: Banque mondiale/Curt Carnemark

Dans l'ensemble, les discussions autour du changement climatique et des efforts pour atténuer ses impacts se concentrent sur le besoin urgent de réduire les émissions de CO2, de maintenir la moyenne des températures mondiales en dessous de 2 degrés Celsius, tout en régulant la transparence des marchés du carbone.

Ces réflexions - menées à l’échelle mondiale - centrées sur la réduction des émissions sont cruciales et urgentes certes, mais il convient d'accorder une attention particulière aux conséquences désastreuses du changement climatique sur les femmes et les filles - notamment dans les pays à faible revenu - et au rôle d'atténuation de leurs effets en constante évolution que peuvent jouer les organisations communautaires.

L'Afrique représente seulement 2 à 3 % (en anglais) des émissions mondiales de CO2, mais subit un impact considérable du changement climatique, car elle est confrontée à une augmentation des cas de famine, de sécheresse et d'inondations, ce qui contribue à accroître l'indice de pauvreté au fil du temps.

Comment se manifeste réellement l'adaptation au changement climatique et l'atténuation de ses effets dans les pays du Sud ?

Chez AMPLIFY GIRLS (en anglais), nous sommes conscients que les organisations communautaires, en particulier les organisations au service des filles, sont en première ligne du combat contre la crise climatique. Elles innovent constamment pour faire face aux répercussions et maintenir les filles en bonne santé et à l'école.

Dans le comté de Baringo au Kenya, Dandelion Africa (une organisation communautaire partenaire d'AMPLIFY GIRLS) lutte contre les effets de la crise climatique sur les vies des filles. Dans une interview, leur directrice générale Wendo Aszed (en anglais) a expliqué les difficultés auxquelles étaient confrontées les filles, premières victimes du changement climatique.

« Au début de l'année dernière, il y a eu des inondations et environ 10 écoles ont été fermées dans le comté. La majorité des filles ne sont jamais revenues à l’école car elles ont été mariées, certaines pour fournir des ressources permettant à leurs familles de survivre et d'autres pour que les garçons puissent aller à l'école. »

Wendo Aszed

Les organisations communautaires telles que Dandelion doivent aller au-delà de leurs tâches habituelles pour mettre en place des mesures visant à ramener les filles à l'école par le biais du dialogue, de sessions de sensibilisation et de visites dans les familles des filles afin de savoir où elles se trouvent.

Les activités de plaidoyer auprès des gouvernements locaux et niveau des comtés sont également essentielles pour s'assurer que les ressources sont allouées et que des plans sont élaborés pour répondre aux besoins de la communauté en cas d'inondations prévues ou d'appels à la fourniture et à la distribution de secours alimentaires en prévision d'une période de sécheresse prolongée.

L'histoire en Tanzanie est similaire. Jackie Bomboma, Directrice générale de Young Strong Mothers, une de nos organisations partenaires, explique que :

« Le changement climatique à Morogoro a affecté la vie des filles et des femmes à bien des égards. En 2021, la période de sécheresse a été plus longue que la normale. Il y a eu une pénurie d'eau parce que les puits étaient à sec et que les filles devaient marcher de longue distance pour aller chercher de l'eau. Certaines filles ont été victimes d'abus sexuels parce qu'elles ne pouvaient pas lutter contre les hommes/garçons qui les attendaient sur le chemin ou lorsqu'elles se lavaient à la rivière. Nous avons assisté à la hausse des prix des produits de première nécessité et des produits d'hygiène menstruelle, ce qui a conduit la plupart des familles à ne pas pouvoir répondre aux besoins fondamentaux de leurs filles. En raison de l'évolution de la situation financière, la plupart des parents ont même encouragé leurs filles à avoir des relations sexuelles et à se marier pour que la famille obtienne de l'aide et du matériel. Pendant leurs règles, elles avaient un accès limité à l'eau, ce qui a favorisé le développement d’infections mineures. L’accès à l'eau potable était très limité et parfois même impossible. Les filles ne pouvaient donc pas aller à l'école. »

La fondation Young Strong Mothers a dû évaluer comment utiliser les fonds non affectés pour organiser des forums de sensibilisation de la communauté, tant pour les anciens de la communauté que pour les forces de l'ordre et les membres des gouvernements locaux, en vue de protéger les filles et de demander aux familles (et aux filles elles-mêmes) de tenir bon malgré les moments difficiles.

C'est une conversation difficile à avoir quand les gens ont faim et veulent juste manger, mais il est important d’apporter une lueur d’espérance. L'espoir permet aux gens de continuer à vivre. Le bien-être émotionnel des gens est très important pour gérer les crises communautaires et lancer des projets communautaires.

Bien souvent, les ONG nationales, régionales et internationales utilisent les organisations communautaires pour susciter l'adhésion de la communauté aux projets. Il est important qu'à l'avenir, nous reconnaissions l’existence de la crise du changement climatique dans les pays du Sud et que les organisations locales gèrent son impact démesuré de manière créative et durable.

Des organisations communautaires telles que Dandelion Africa et Young Strong Mothers dispensent des services complets pour maintenir les filles à l'école. Si beaucoup affirment que le changement climatique et les programmes axés sur les filles sont deux domaines distincts, la vérité réside est que l’absence d'une perspective multidimensionnelle non seulement entrave les progrès mais met également les filles en danger.

Les efforts et les interventions tels que la prévention de l'érosion des sols, la protection des ressources naturelles et des bassins versants, l'interdiction de l'abattage effréné des arbres et la protection et la préservation de l'économie bleue devraient inclure les organisations communautaires dans une large matrice de collaboration.

Si nous ne le faisons pas, nous excluons certaines des idées et des solutions les plus brillantes pour atténuer le changement climatique et s'y adapter.

Nous recherchons constamment des solutions miracles, trop souvent développées dans les pays du Nord, alors que nous devons reconnaître que pour faire face au changement climatique, nous devons inclure les communautés qui sont les plus touchées.

Cet article a pour but d’interpeller les pays du Nord et le mouvement mondial des jeunes pour le climat qui, à dessein, ont orienté la conversation principalement sur les émissions et ne sont pas penchés sur les interventions menées au niveau locale dans les pays du Sud.

Les organisations communautaires méritent de prendre part à la table des politiques mondiales.

À l'heure où nous appelons la communauté internationale à l'action, il est important que l'Union africaine, les gouvernements et ses partenaires tels que la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA) et la Banque africaine de développement (BAD) œuvrent davantage pour financer les ministères en charge des questions liées à l'Environnement et les acteurs locaux en se concentrant sur les liens entre l'éducation, le genre et le changement climatique dans les politiques continentales.

Lors des dernières Conférences des Parties (CoP), les gouvernements ont convenu que le financement de la lutte contre le changement climatique en Afrique passerait par des entités nationales d’exécution, censées ensuite redistribuer équitablement les ressources liées au changement climatique aux entités gouvernementales, à la société civile et aux organisations communautaires.

Mais là aussi, les retombées n’ont pas suivi, comme dans le cas du Grand Bargain (en anglais) où seulement 3,1 % de l'aide au développement atteint les acteurs locaux, au lieu des 25 % promis en 2016.

Le financement des mesures d'adaptation et d'atténuation du changement climatique en Afrique fait toujours défaut, et le plan de mise en œuvre proposé par les entités nationales d'exécution a laissé de nombreux domaines dans le besoin.

Les organisations communautaires sont en première ligne pour défendre et promouvoir l'adaptation et l'atténuation du changement climatique, mais elles manquent cruellement de ressources.

Pour pouvoir maintenir les filles à l'école, nous devons réfléchir aux obstacles structurels qui les empêchent d'y aller et qui deviennent de plus en plus difficiles à surmonter, souvent en raison du changement climatique.

Dans tous nos rassemblements à l’échelle mondiale, ne discutons pas uniquement des émissions, mais rappelons-nous aussi les réalités vécues dans les pays du Sud. Ayons conscience de l'intersectionnalité, et reconnaissons et admettons que la conversation devrait inclure tout le monde.

Ne laissons réellement personne en dehors de la conversation sur le changement climatique.

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