L'importance de l'éducation des filles pour une paix durable

Une militante nigériane de l'éducation nous présente son expérience en matière de plaidoyer pour un cycle de scolarisation complet de 12 années pour tous les enfants, les filles en particulier, afin d'assurer la paix et le développement en Afrique.

04 mars 2020 par Habiba Mohammed, Centre for Girls’ Education - Nigeria
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Lecture : 6 minutes
De gauche à droite : Rita Tunwah de la Coalition des jeunes pour l'éducation, Libéria; Habiba Mohammed du Centre pour l'éducation des filles, Nigéria; Victoria Egbetayo du PME et Juliet Kimotho du FAWE durant le Forum de l'Union africaine.
De gauche à droite : Rita Tunwah de la Coalition des jeunes pour l'éducation,au Libéria ; Habiba Mohammed du Centre pour l'éducation des filles au Nigéria ; Victoria Egbetayo du PME et Juliet Kimotho du FAWE, durant le Forum de l'Union africaine.
Credit: Femi Aderibigbe/Malala Fund

J'ai récemment assisté au Sommet de l'Union africaine dont le thème cette année était : « Faire taire les armes ». Grâce à mon travail, j'ai appris qu'il existe un lien évident entre l'action en faveur de la paix et du développement, et la nécessité de veiller à ce que toutes les filles bénéficient d’une éducation.

Lorsque les filles sont éduquées, elles veillent à ce qu'il y ait la paix. Les femmes veulent que leur famille grandisse et s'épanouisse dans des conditions pacifiques, et qu’elle soit tenue à l’écart des guerres.

Lorsqu’il y a des conflits, ce sont les femmes et les filles qui sont les plus touchées. Mais lorsqu'une femme est éduquée, elle soutient l'éducation de ses enfants et cela se perpétue de génération en génération.

Lorsque des cycles positifs sont établis, les conflits sont réduits car les femmes s'efforcent d'améliorer leur vie, celle de leurs enfants et se battent contre l’apparition de conflits, la guerre et la faim car, ce sont des choses qu'aucune mère ne souhaite pour ses enfants.

Une éducation de qualité peut renforcer l'autonomie des filles

D'après mon expérience dans le nord du Nigéria, la mauvaise qualité de l'éducation est un des problèmes auxquels les filles y sont le plus confrontées.

Dans de nombreux cas, les parents sont prêts à envoyer leurs enfants à l'école. Mais, lorsque ces derniers n'apprennent pas, les parents cherchent d'autres moyens d'assurer l'avenir de leurs enfants; l'une des alternatives les plus courantes ici étant de les marier.

Dans les situations de conflit, les filles sont encore plus vulnérables aux viols et aux agressions lorsqu'elles se rendent à l'école. Mais, grâce à mon travail au Centre pour l'éducation des filles, j'ai pu constater que lorsqu'elles sont soutenues par le biais d’espaces sûrs et d'autres initiatives similaires, elles acquièrent des compétences qui les aident à prendre des décisions, à renforcer leur estime de soi et à comprendre qu'elles peuvent être qui elles veulent.

Si chaque fille pouvait bénéficier de 12 années de scolarisation, les conflits, l'extrémisme religieux et les enlèvements diminueraient considérablement.

L'État de Kaduna porte la durée de l'enseignement obligatoire à 12 ans

La politique d'éducation de base universelle du Nigéria prévoit neuf années d'éducation de base. Suite à un plaidoyer mené auprès du gouvernement de l'État de Kaduna, cette politique est désormais de 12 années d'éducation de base pour chaque enfant.

Le gouverneur de l'État de Kaduna est un passionné d’éducation. Il croit en sa valeur et a apporté de nombreux changements positifs au sein de l'État.

Cependant, de nombreuses filles à travers le pays ne bénéficient même pas des neuf années d'éducation de base obligatoires. Au Nigéria, plus de 10,5 millions de filles ne vont pas à l’école.

Pour leur permettre de réintégrer le système éducatif, les infrastructures existantes doivent être améliorées, les enseignants doivent être formés ou suivre des formations de perfectionnement professionnel, et leurs salaires doivent être augmentés.

La mise en œuvre de ces changements inciterait davantage de personnes à vouloir devenir enseignant(e)s et davantage de parents à vouloir que leurs filles aillent à l'école.

Apporter des changements à l'ensemble du pays

J'ai travaillé avec les Champions de l'éducation du Fonds Malala au Nigéria pour faire passer la loi nationale de 9 à 12 ans. Notre proposition a été adoptée au Sénat de la 8ème Assemblée.

Avec les décideurs politiques nouvellement nommés à la 9ème Assemblée, nous sommes entrain d’engager le dialogue auprès de la Chambre des représentants pour relancer cet amendement de la loi sur l'éducation de base universelle.

Les parties prenantes doivent comprendre qu'il est essentiel que chaque fille et chaque garçon bénéficient de 12 années d'éducation, car c'est le meilleur investissement à faire si l’on veut réduire la pauvreté, renforcer les communautés et instaurer la confiance.

Habiba Mohammed
Habiba Mohammed est enseignante, codirectrice et cheffe d’équipe de l'Initiative sur la population et la santé de la reproduction du Centre pour l'éducation des filles dans l’État de Kaduna, dans le nord du Nigéria.

Nous devons veiller à ce que les douze années d'école en valent la peine.

Les enfants doivent apprendre et les enseignants doivent revoir leurs méthodes d'enseignement pour maintenir les enfants engagés dans l'apprentissage.

Autonomiser les filles touchées par les conflits et la violence

Dans le cadre de mon travail avec le Centre pour l'éducation des filles, nous soutenons des organisations qui travaillent directement avec les communautés touchées par la violence.

Dans l'État de Borno, notre soutien comprend la formation de mentors et de personnel sur la manière de recruter des filles et de s'engager auprès des chefs communautaires et religieux.

Certains de nos programmes d’espaces sûrs proposent un accès à des conseillers spécialisés en traumatismes. Nous discutons des questions de santé de la reproduction et de violence sexiste, afin que les filles comprennent qu'elles ont le droit de disposer librement de leur corps, et que l'éducation est essentielle pour leur donner les moyens de prendre des décisions dans tous les domaines de leur vie.

Nous travaillons également beaucoup avec les chefs religieux et communautaires. Nous les informons sur les programmes d'espaces sûrs et les encourageons à faire venir leurs propres enfants. Quand les membres de la communauté voient les enfants de leurs chefs traditionnels et religieux participer aux programmes, ils sont motivés à laisser participer les leurs.

Attaques contre l'éducation des filles et questions de sécurité

L'expérience traumatisante de l'enlèvement des écolières par Boko Haram en 2014 n’a pas encore cicatrisé pour le Nigéria. Si certaines filles ont été sauvées et sont retournées à l'école, d'autres sont toujours retenues en otage.

Les enlèvements et les attaques de Boko Haram restent un problème silencieux. Dans l'État de Maiduguri par exemple, seule la ville de Maiduguri n'enregistre plus de kidnapping, tandis que les autres localités de la région continuent de subir les attaques de Boko Haram qui tuent des enseignants et détruisent des écoles.

Dans l'État de Borno, le gouvernement a décrété l'état d'urgence. Arrêter définitivement des groupes comme Boko Haram nécessite les efforts combinés de tous les états et du gouvernement fédéral.

Le gouvernement doit veiller à ce que chaque fille aille à l’école, où qu'elle soit, qu'elle se trouve dans une communauté rurale ou difficile d'accès, dans un camp de personnes déplacées ou dans une communauté touchée par un conflit.

Le gouvernement doit faire en sorte que des installations appropriées soient disponibles pour que les filles puissent apprendre dans un environnement rassurant, afin qu’elles sachent que leur sécurité est une priorité.

Tous les acteurs doivent prendre leurs responsabilités

Le gouvernement ne peut pas agir seul. Lorsque nous nous réunirons tous - OSC, parents, filles et gouvernement - nous serons en mesure de créer l'élan qui permettra d'y parvenir.

Dans mon travail, je constate que la plupart des filles ne savent pas ce qu'elles veulent tant qu'elles n'ont pas commencé à apprendre et à entrevoir des possibilités. Ensuite, elles se rendent compte de leur potentiel et se disent « Je peux le faire ! ». Cela les motive à vouloir en apprendre davantage.

Dans notre programme d’espaces sûrs, certaines filles ne savaient ni lire ni écrire après six années passées à l'école primaire. Mais, après leur participation au programme, plusieurs d'entre elles poursuivent leurs études dans des universités et des établissements d'enseignement supérieur.

Lorsque les filles sont éduquées, elles deviennent des membres productifs de la communauté et soutiennent celle-ci et leur pays tout entier de diverses façons, notamment sur le plan économique.

Le pouvoir des femmes, si soutenu par le gouvernement, peut être aussi le pouvoir du gouvernement.

Nous devons travailler ensemble, et non pas en vase clos. Lorsque tous les groupes impliqués apprennent les uns des autres et s'appuient les uns sur les autres, cela forme une approche collective qui peut réaliser beaucoup plus que ce que nous pouvons faire individuellement.

Le problème des 10,5 millions de filles non scolarisées au Nigéria ne peut être résolu que grâce à des efforts collectifs !

Faire taire les armes au Nigéria

Pour moi, « Faire taire les armes » signifie mettre un terme aux exactions de Boko Haram au Nigéria. Cela suppose également qu'il n'y ait plus de conflit dans les autres pays d’Afrique.

Faire taire les armes suppose une coexistence pacifique et l'acceptation de l'autre. Je pense que l'Union africaine devrait plaider en faveur d'une scolarité obligatoire de 12 ans pour chaque fille, où qu'elle se trouve, et proposer un programme d'études intégrant la notion de genre pour soutenir ce mouvement.

Les dirigeants africains doivent également assurer un financement accru et de meilleure qualité pour l'éducation.

Tout pays qui ne dispose pas d'une éducation de qualité est un pays pauvre.

L'éducation est la clé du progrès pour tout pays. Sans éducation, on ne peut œuvrer en faveur d’une bonne santé, d’une économie prospère ou de communautés sûres.

Investir dans l'éducation – celle des filles en particulier – est essentiel pour tous les pays d'Afrique.

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Commentaires

Je suis fière de Habiba Mouhamed!Cette dame est une vèritable Patriote!Elle est une Championne ! Le combat qu elle est entrain de mener est tres noble !
En Afrique les fille rencontrent d enormes difficultés pour achever le cycle secondaire !
Merci Habiba d avoir bien voulu porté la vie de nos filles

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